Dis-moi ce que tu cherches, je dirai qui tu es.


L’observation des occurrences qui conduisent à la découverte de ce blog ne manquera jamais de me faire sourire. C’est Muriel Beyer, directrice littéraire de Plon, qui remporte haut la main la palme de l’intérêt des internautes. Muriel Beyer, la moins présente dans le récit, la moins impliquée dans le film mais la plus recherchée sur le Net! Elle est suivie de très près par le jeune et flamboyant éditeur de Sigolène, récemment épanoui par sa paternité nouvelle, le discret mais indispensable Denis Bouchain. La suite du palmarès n’agitera guère les neurones sauf à constater à nouveau que les putes de Cavaillon – tout comme celles de Djibouti, nouvellement arrivées dans ce classement-  sont très recherchées.Un annuaire, j’imagine, s’impose, mais peut-être existe-t-il, je concède volontiers mon ignorance des réseaux des amours tarifés. Certaines recherchent la femme de Manuel Carcassonne, d’autres celle de Denis Bouchain. Les ont-ils trouvées sur la toile? La question restera sans réponse. Quand à la modeste plume qui se distrait en agitant ses frêles petits doigts sur le clavier, il doit bien constater que sa renommée numérique rencontre celle de son avatar humain et que celle-ci demande à être encore considérablement développée. En fais-je le voeu ? Ma foi… Là, dans l’instant, en écrivant ces batifoleries, je n’ai qu’un voeu à faire. Celui d’être chaque matin, comme ce matin et comme tant d’autres, réveillé par la chaleur du souffle de la petite libellule qui vient s’agiter dans mon lit pour m’avertir que le loup est rentré dans sa chambre et que le chasseur doit venir l’effrayer. Le chasseur se lève et pan, double pan, triple pan, souscrit volontiers à l’exigence de la galinette.  Mais ceci n’a rien plus rien à voir avec cela.

En ce jour de fin des jours, je vous adresse mes meilleures pensées.

Et si vous n’avez vraiment rien d’autre à faire…

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Sigolène et Margaux – Une rentrée littéraire, un film de Raphaël Pellegrino

Vidéo


Pour tous ceux qui n’auront pu le visionner en projection publique et qui ne pourront le voir en festival, ‘Sigolène et Margaux – Une rentrée littéraire’ est désormais accessible en ligne. Le film aura finalement une durée de 60 minutes, soit un moyen-métrage.

Chapitre second – I


Chapitre Second

‘Les mouettes naissent

des mouchoirs qu’on agite

au départ des bateaux.’

Ramon Gomez de la Serna 

Un film de Raphaël Pellegrino 

Chronique d’une rentrée littéraire.

–     I    –

Ce mardi-là, je me rends chez Sigolène le matin, aux alentours des 8h30. La veille, j’ai appris que le diffuseur auquel j’aspirais ne sera pas de la partie. Depuis des semaines, je vais de production en production, suscitant là, un intérêt véritable, ici un entretien poli. Chez beaucoup de l’intérêt mais une question lancinante, qui diffusera ? Le paysage audio-visuel a eu beau se recomposer avec forces chaines, de la généraliste à la thématique en passant par la TNT, le compte n’y est pas. La TNT, porteuse de bien des promesses est devenue le boulevard des rediffusions et le porte-monnaie des chaines traditionnelles qui y amortissent leurs productions. Le paysage audio-visuel a eu beau se démultiplier, il est plus porteur de parler de putes, de flics et de drogues voire de campings et de liftings que de faire un documentaire sur la rentrée littéraire. Malgré cette absence de financement initial, j’entame le tournage. Je suis confiant dans ma démarche, au besoin je réaliserai ce film à compte d’auteur.

Sigolène a hésité à accepter ma présence, oscillant entre un intérêt mineur et une crainte certaine. Son éditeur n’y trouvant rien à redire, voire y trouvant un intérêt, a rassuré ses peurs et levé ses appréhensions. Je cherche aussi à la tranquilliser par tous les moyens, l’assurant de ma bienveillance, un mot qu’elle ne goûte guère.

By Emilie Deville

Quelques mois auparavant, je la retrouve après nous être éloignés quelques années. Je suis ravi d’apprendre qu’elle va être publiée. Ravi et surpris. Surpris par les étapes qui l’attendent. Rien d’extraordinaire pour les initiés probablement mais un certain étonnement d’apprendre qu’elle doit rencontrer des commerciaux pour se présenter, des libraires, dans des réunions où plusieurs centaines d’entre eux seront présents, aller à l’un ou l’autre cocktail, des remises de prix. A la remise du Prix de la Coupole, elle s’étonnera autant que moi de cette ambiance particulière où l’on « croise des messieurs avec des chapeaux et des dames avec des talons-hauts », un lieu où le champagne égaiera plus que les mots d’esprit. Elle fera bien entendu des séances de dédicaces, des foires aux livres, répondra peut-être à des interviews. Viendra le jour où son livre est en vente et qu’il se vend, ou pas. La question de la rentrée littéraire également, phénomène franco-français qui voit près de sept cents ouvrages investir les linéaires en six semaines. Pour certains une rare opportunité, pour d’autres un pugilat. Moins de deux semaines après ces retrouvailles, je décide que je ferai ce film, ce jour-là encore simple sujet de magazine.

Ce matin, je suis chez elle et je tourne. Elle a rendez-vous dans moins d’une heure. Les commerciaux du groupe Interforum reçoivent à intervalles réguliers les auteurs pour de courtes présentations. En quelques dix minutes, l’auteur se vend, lui, son livre, son histoire. Ce moment me fascine. Tellement éloigné de la sensibilité qui conduit à produire un roman, il impose un exercice d’exposition dont je me rendrai compte qu’il convient de le réussir. Nous partons, voyageons sous terre, dans ce métro que Sigolène déteste. Sur place, un autre cameraman filme. Là, tout ce que doit compter un service commercial ; une dizaine d’hommes et de femmes qui arpentent les routes de France à la rencontre de leurs libraires, leur directeur, qui fut des plus rétifs à notre présence, des attachées de presse, le directeur commercial  et la directrice littéraire de Plon et tout au long de la matinée des auteurs qui se succèdent, de Xavier Rauffer à Christophe Michalak en passant par Delphine de Malsherbe.

Nous arrivons. Sigolène croise les pas de Stéphane Billerey, le directeur commercial et marketing de Plon qui lui donne quelques conseils, « Il faut dévoiler sans donner l’intrigue. Expliquer pourquoi ce sujet-là, expliquer la trame et la construction ». L’homme est rassurant, attentif sans excès. Quelques minutes plus tard, il la quitte pour commencer la réunion. Sigolène patiente dans le salon attenant. Nous sommes à la Villa Modigliani, hôtel dans le 14ème. La directrice littéraire de Plon l’a rejointe. Elles partagent un thé. L’homme qui l’a découverte, Denis Bouchain, n’a pas pu être présent. Ce sera donc elle qui l’accompagnera. Par tradition, chaque éditeur est aux côtés de son auteur.

Neuf heures quarante, Christophe Michalak sort de la salle. Le cuisinier n’aura eu aucune difficulté à convaincre des bienfaits de ses chocolats que chacun aura pu déguster. Sigolène entre, les mains vides, précédée de Muriel Beyer, la directrice littéraire. Elle introduit Sigolène et son ouvrage. « Un livre d’un grande poésie…d’une grande profondeur… Un livre générationnel sur les illusions perdues, les rêves auxquels on croit à vingt ans… Une autofiction ». Muriel Beyer est rompue à l’exercice ; plus de vingt années dans la profession et beaucoup de foi dans la présentation des poulains de la maison. La parole est donnée à Sigolène. Les premiers mots sortent, sans trop d’hésitation, à peine doit-elle réfréner une certaine émotion. Je suis concentré sur mon travail. Avoir les bonnes images, le bon cadre, les bons raccords. Sigolène me paraît fluide mais à vrai dire, tout cela ne sera réel que lorsque je reverrai les images. La vitesse à laquelle tout ceci se passe ne me laisse pas le temps d’observer attentivement ce qu’elle vit. Au montage, je le reverrai dix fois, vingt fois et en tirerai ce que j’écris, ce que je monte. Huit minutes quarante-sept plus tard, Sigolène a terminé. Les deux cents pages de son livre sont à peu de chose près devenues ce qu’en délivrera la quatrième de couverture. Quelques fragments qui doivent nous convaincre d’aller un peu plus loin. Les commerciaux présents sont plutôt bienveillants. On ne suspecte pas un intérêt permanent des présentations qu’ils leurs sont faites mais comment leur en vouloir face à la cadence qui est imposée. Au sortir de cet exercice de style, l’avocate qu’elle n’est plus semble fatiguée. Elle me dira «  défendre la cause des autres je sais faire mais défendre la mienne c’est plus difficile » ; quelques minutes passent « j’avais la voix qui tremblait, non ? »« Non »-« Ah,… je croyais ». Je suis incapable de savoir ce que j’ai tourné. Trop rapide, trop tendu. Je croyais la dramaturgie de l’instant certaine, la réalité  était moins palpitante quoique l’enjeu bien réel. Les dix commerciaux présents peuvent influer de manière certaine sur la vie d’un roman, tout particulièrement d’un premier. Lorsque je visionnerai les images, très vite une certitude, la présence de Sigolène à l’écran est remarquable. Encore cela ne fait-il pas un film, mais du moins de son image transparaît la poésie que je pouvais espérer mettre dans mon récit.

Présentation aux commerciaux d'Interforum

Il est un peu plus de dix heures, Sigolène s’en va. Margaux Guyon suit dans l’ordre des présentations. Son ouvrage au doux nom de « Latex « , auquel l’éditeur ajoutera plus tard l’abréviation etc…, est le produit d’une khâgneuse de vingt-deux ans au verbe facile. Nous nous sommes parlé  avant sa présentation, à peine, une question rapidement cadrée. Le temps me manque pour capter tout ce qui devrait l’être. De manière certaine, elle m’intrigue. Cette jeune romancière est-elle la jeune fille à l’allure provinciale de première de classe et à l’arrogance suffisante qu’elle décrit dans son livre. A sa lecture, j’appris qu’elle était de Cavaillon, qu’elle préparait normale sup et que son talent était certain. Un roman où ce que je perçois comme la souffrance de l’auteure s’est effacée derrière le masque de la provocation. C’est le second ouvrage de la rentrée littéraire française de Plon en qualité de premier roman. Deux femmes aux livres et aux personnalités très éloignées. Deux autofictions. Margaux rentre dans la salle. La directrice littéraire de Plon est manifestement sous le charme. La présentation commence.

La suite… dans quelques jours.

Chapitre premier.


‘Les mouettes naissent

des mouchoirs qu’on agite

au départ des bateaux.’

Ramon Gomez de la Serna

 

Un film de Raphaël Pellegrino

 

Chronique d’une rentrée littéraire.

En novembre 2010, Sigolène Vinson signait son premier roman chez Plon. Un roman baptisé –J’ai déserté le pays des braves-, surnom donné à Djibouti  en référence à l’époque où les nomades  somalis et afars transhumaient dans ce pays aride et exigeant. Un titre que l’éditeur transformera  en –J’ai déserté le pays de l’enfance-, après avoir été pour quelques heures –La vie d’adulte– et que l’auteure appelait  initialement –L’autre Tadjoura-. Il en allait ainsi des mystères procédant du marketing littéraire.

Copyright Emilie Deville

Sigolène est avocate, était avocate. Depuis toujours elle écrit, d’une relation amoureuse épistolaire à des romans où l’aventure se mêle au conte. Il y a cinq ans de cela, Sigolène croit en l’un de ses manuscrits, Le fort de Sagallo, histoire d’une tentative d’implantation russe à la corne de l’Afrique au 19ème siècle. Un livre exigeant, racé ; de son avis comme du mien, ce qu’elle a produit de mieux.  Elle envoie par la poste des polycopiés, quelques dizaines. Manuel Carcassonne, directeur général adjoint de Grasset aime. Il l’aide à corriger son texte, travaille avec elle, la rencontre plusieurs fois mais voit l’ouvrage rejeté au comité de lecture interne par trois voix contre deux.

Ce ne sera donc pas son premier roman ni son premier éditeur. De l’éditeur Plon, elle reçoit une lettre d’encouragement, fort belle me dit-elle. Une lettre personnelle, personnalisée, de celle qui au milieu d’un tas de courriers froids aux formules indigentes réchauffe l’être et le mobilise. Une lettre qui l’incite à poursuivre ses efforts ; il y a de la graine d’écrivain, de la graine à cultiver. De Manuel Carcassonne, qui deviendra ami, fidèle et loyal, elle retiendra un conseil, écrire un livre plus personnel, plus proche d’elle.

Quatre ans passent et un nouveau manuscrit a vu le jour. Le fort de Sagallo a reçu des encouragements mais n’a trouvé aucun éditeur. Le pingouin, son nouveau roman, du nom d’un bateau échoué à l’embouchure de Djibouti et qui rouille, là, au fil des années sans que personne ne semble plus connaître son histoire, est le terrain sur lequel Sigolène a laissé vagabonder son imaginaire. Une nouvelle fois, un roman d’aventures où les terres brûlées de l’Afrique rencontrent  les hommes qui les parcouraient. Denis Bouchain, des Editions Plon, perçoit la force d’écriture de Sigolène mais trouve le roman inabouti, pas assez ample,’ ce n’est pas un premier roman’,  lui dira-t-il. Néanmoins, il décide de la rencontrer. N’aurait-elle rien de plus personnel ? Depuis quatre ans traîne dans ses tiroirs un manuscrit, une autofiction. Rien ne saura être plus personnel. Un nouveau rendez-vous est pris, au mois d’août. Sigolène pressent que l’opportunité est là. Elle prend les trois semaines qui sont devant elle pour retravailler son manuscrit, page après page, mot après mot.

Le soleil de la Corse qui observe ses efforts n’est pas moins lumineux que celui de l’Afrique qu’elle a quittée à l’âge de douze ans. Cette Afrique qui percera à nouveau dans ses lignes d’écriture mais pour témoigner de toute la souffrance qui l’a gagnée lorsque quittant ce jour-là l’enfance, elle écrit «Je regardais Djibouti s’éloigner, le pays des braves disparaître. J’imaginais le sillage de l’avion qui s’effaçait, couverture d’un livre qui se refermait et n’offrait plus rien à lire. (…) Je m’arrachais du berceau de l’humanité et ressentais une douleur animale, j’étais à bout de souffle, je cherchais l’air ».  Denis Bouchain est convaincu, il la publiera, ce sera son premier roman. Quatre ans qu’ils se tournaient autour comme il dit et un moment, une conviction. Cette autofiction le touche. Cette jeune femme  aux fortes convictions politiques qui, avocate, acceptait de défendre quelques clients pourris, employeurs véreux aux principes mafieux pour ensuite offrir à longueur d’années ses services pro deo, gratuitement, selon une déontologie toute personnelle, qui voit son cœur se révulser lorsque le faible ploie devant le fort. Un écœurement qui la poussera un jour à s’effondrer en plein tribunal et confier ce qu’elle pensait être devenue sa folie à un psychiatre qui la gardera quelques jours à ses côtés. Une jeune femme qui rêve de son enfance et fantasme une Afrique qui n’existe plus. Une jeune femme dont les questions existentielles rencontrent celles  de son éditeur.

Quelques corrections plus tard et nous sommes au mois de novembre. Arrive par la poste un contrat qui la lie à Plon pour trois ouvrages. Nulle certitude de voir les deux autres publiés mais l’obligation de les soumettre et d’espérer voir l’aventure singulière qui s’offre à elle se poursuivre. Un chèque aussi, un avoir, de guère d’importance mais qui lui signifie qu’elle gagne ses premiers deniers de romancière. Sigolène devient écrivain. Du moins portera-t-elle le titre, car écrivain elle l’était, au sens de l’écriture qui jaillit. Mais là, c’est autre chose ; elle sera lue, critiquée, écoutée. Peut-être, plus tard, maintenant pourquoi pas, commencera-t-elle à vivre du produit de cet imaginaire. Mais ce sera une autre histoire. Dans l’immédiat, il faut vendre. Et vendre son livre, c’est aussi se vendre un peu soi. Point le mois de juin de cette année. Sigolène va rencontrer les représentants, les commerciaux du groupe Interforum. L’entreprise, gigantesque, diffuse les titres du groupe Editis. Editis, un ogre tentaculaire aux ramifications innombrables qui est passé au cours de la dernière décennie de mains en mains, quittant Vivendi pour Lagardère avant de passer chez Wendel. Le dernier de ces voraces acquéreurs sera espagnol, un géant au doux nom de Planeta, qui publierait pas moins de 15.000 écrivains de par le monde.

Nous sommes le mardi 14 juin, il est neuf heures du matin. Dans quelques instants, Sigolène aura dix minutes pour parler. D’elle, de son livre, de son histoire. Dix minutes pour que les dix commerciaux présents soient séduits avant qu’ils ne partent à la rencontre des libraires de toute la France. Dix minutes.

Raphaël Pellegrino

La suite… dans quelques jours